L'hygiène bucco-dentaire à travers les millénaires
L'importance de l'hygiène bucco-dentaire remonte à des millénaires. Dès 3000 avant JC, les Babyloniens utilisaient des brindilles pour nettoyer leurs dents, tandis que des "bâtons de dents" étaient découverts dans les tombes égyptiennes. Même le Bouddha employait des bâtons pour en faire des éponges aux extrémités pelucheuses pour une hygiène dentaire rudimentaire.
Les soins dentaires occupaient même l'esprit de l'empereur chinois régnant Hongzhi c’est en 1494, qui a conçu quelque chose qui ressemblait beaucoup à la brosse que nous connaissons aujourd'hui.
Il s'agissait d'un paquet court et dense de poils de sanglier, rasés sur le cou d'un porc, fixés dans un manche en os ou en bois.
Cette conception simple a duré et est restée essentiellement inchangée pendant des siècles, mais pas pour tout le monde.
Les poils de sanglier et les manches en os étaient des matériaux sophistiqués et coûteux, ce qui signifie que seuls les riches pouvaient se permettre de s’offrir des brosses à dents. Tous les autres devaient se contenter de bâtons à mâcher, de bouts de tissu, de leurs doigts ou de rien du tout.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les brosses à dents étaient considérées comme des objets de luxe.
Au début des années 1920, on estime que seule une personne sur quatre aux États-Unis possédait une brosse à dents.
Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que le concept de soins dentaires pour tous, riches et pauvres, a commencé à pénétrer dans la conscience publique. L’un des moteurs de cette transition a été la guerre.
Son apparition dans l’armée
À l'époque de la guerre civile américaine, au milieu des années 1800, les armes à feu étaient chargées un coup à la fois, avec de la poudre et des balles pré-emballées dans des torsades de papier épais. Les soldats devaient déchirer les torsions avec leurs dents, mais de nombreux combattants potentiels n'avaient même pas les six dents opposées bien ancrées pour déchirer le papier. C'était évidemment un problème.
Les quelques dentistes servant dans l'armée de l’Union étaient désespérés par l'état des dents des soldats et les soins dentaires n’étaient pas une priorité. L'armée confédérée, en revanche, a enrôlé un groupe de dentistes qui mettaient l'accent sur les soins préventifs. Un dentiste militaire a fait passer le message avec tant de succès que les soldats de son unité ont mis leurs brosses à dents dans leurs boutonnières, à portée de main à tout moment.
Il a fallu deux autres mobilisations militaires majeures pour que les brosses à dents soient présentes dans presque toutes les trousse de toilette.
Au début de la Première Guerre mondiale, l’armée américaine a reconnu qu’elle avait un problème, une variante, en somme du problème des déchirures de cartouches de la guerre civile. Les jeunes hommes, par ailleurs en bonne santé qu’ils souhaitaient recruter devaient avoir les six dents opposées en bonne santé pour pouvoir manger les rations militaires dures et sèches.
Jeunes hommes après jeunes hommes ont échoué à ce test.
L’armée avait une norme, et elle est assez basique – avoir six dents dans la bouche pour pouvoir mâcher – et les volontaires ne rentraient pas ces normes.
Des gens qui sans cette norme auraient été disponibles pour se battre mais étaient mis hors de la liste.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la formation des soldats comprenant également les soins et la conservation des dents. Des dentistes furent intégrés dans les bataillons et des brosses à dents furent distribuées aux troupes.
Ainsi, lorsque les combattants rentraient chez eux, ils emportaient avec eux leurs habitudes de brossage des dents.
C'est donc après la Seconde Guerre mondiale qu’en raison d'une pénurie d'artisans, les têtes et les manches synthétiques sont devenus populaires, remplaçant les brosses à dents en crin de cheval et en os.
Simultanément, partout en occident, les attentes culturelles concernant les dents évoluaient.
Selon les dentistes, de mauvaises dents pouvaient être le signe d’une maladie, d’une mauvaise alimentation et d’un mépris général de l’hygiène personnelle.
Les dentistes se considéraient alors comme des ministres du processus de soins de santé et non pas seulement les gardiens de la bouche, mais aussi du corps tout entier, et même de la santé publique au sens large.
Les experts dentaires ont commencé à considérer la question des soins dentaires comme une question sociale, morale et même patriotique aux Etats Unis.
Des campagnes publiques vantant les bienfaits de dents saines se sont.
"Si les mauvaises dents pouvaient être évitées ", affirmait un dentiste américain en 1904" le gain pour l'État et l'individu serait d'une valeur considérable, car il est merveilleux de voir combien de maladies peuvent être indirectement attribuées aux mauvaises dents."
Dans de nombreux cas, ces campagnes visaient les populations pauvres, immigrées ou autrement marginalisées.
L’hygiène dentaire était souvent utilisée comme un moyen « d’américaniser » les communautés que les professionnels dentaires majoritairement blancs de l’époque considéraient comme n’étant pas pleinement assimilées à la culture dominante.
« Je sais qu’une bouche propre et un discours sur l’hygiène ont mis de nombreux immigrants mineurs de charbon sur la bonne voie vers une bonne citoyenneté américaine », a déclaré un dentiste de Pennsylvanie au début du 20e siècle.
L’arrivée du plastique
Alors que la demande de brosses à dents montait en flèche, la production a suivi, aidée par le développement de nouveaux matériaux passionnants appelés plastiques.
Au début des années 1900, les chimistes ont découvert qu'ils pouvaient fabriquer un matériau solide, brillant, malléable et parfois explosif à partir d'un mélange de nitrocellulose et de camphre, une substance huileuse et parfumée dérivée du laurier camphré.
Ce matériau, appelé « celluloïd », pouvait être transformé en formes pratiques, fantaisistes et bon marché, parfaites pour les manches de brosses à dents.
Bientôt, les poils ont également succombé au chant des sirènes du tout synthétique.
Et en 1938, un laboratoire national japonais a mis au point une substance fine et soyeuse qui, espérait-il, remplacerait la soie utilisée pour fabriquer les parachutes plus durables de ses militaires.
Presque simultanément, la société chimique américaine DuPont a lancé son propre matériau lisse à fibres fines : le nylon.
Ce matériau soyeux, robuste mais flexible s'est avéré être un substitut parfait aux poils de sanglier coûteux et cassants.
En 1938, une société appelée Dr. West’s a commencé à emballer les têtes de brosse à dents des fils de nylon. LCe matériau synthétique, disait-il, était « 100 % imperméable… offrait un meilleur nettoyage et une durée de vie plus longue » que les anciennes brosses à poils naturels.
Le Dr West a déployé le nouveau modèle dans tout le pays, les vendant à 50 cents pièce, soit environ 8 dollars en dollars actuels.
Depuis lors, de nouveaux types de plastique ont remplacé le celluloïd dans le manche et la conception des poils est devenue plus compliquée, mais la conception de base emballée dans du plastique s'est avérée aussi durable que le matériau lui-même.
Envisager un avenir sans plastique ?
Cependant, le plastique a introduit des défis environnementaux.
Actuellement, des efforts sont déployés pour créer des alternatives durables.
"Il est en fait assez remarquable que le design de la brosse à dents soit resté si similaire au fil des années", déclare Charlotte Fiell, historienne du design britannique. "Fondamentalement, la fonction n'a pas changé, n'est-ce pas ?"
Mais les designers commencent désormais à se demander : pouvons-nous réinventer cet objet essentiel en utilisant peu ou pas de plastique ?
L’usage est de remplacer sa brosse à dents tous les trois ou quatre mois. À ce rythme, aux États-Unis seulement, les brosseurs de dents utiliseraient plus d’un milliard de brosses à dents chaque année.
Et si tout le monde dans le monde suivait ces recommandations, environ 23 milliards de brosses à dents seraient jetées chaque année.
La plupart utilise des brosses à dents traditionnelles, mais quelques 55 millions de brosseurs aux États-Unis utilisent des brosses à dents électriques chaque année. De sorte qu'un certain nombre de ces objets à manche en plastique et contenant des piles finissent également dans le flux des déchets chaque année.
La majorité des brosses à dents sont non recyclables car les plastiques composites avec lesquels la plupart sont aujourd’hui fabriqués sont difficile, voire impossible, à recycler efficacement.
En réponse, certaines entreprises tentent de réintroduire des matériaux naturels comme le bois ou les poils de sanglier.
Si les manches en bambou peuvent résoudre une partie du problème, cependant la plupart des brosses en bambou sur le marché ont encore des poils en nylon, ce qui permet au moins à cette partie de la brosse en bambou d’être recyclée.
D’autres brosses à dents contiennent des poils plus nombreux et plus robustes sur leur tête. Elles durent plus longtemps et doivent donc être remplacés moins souvent : seulement deux brosses par an au lieu de quatre.
Certaines entreprises sont également revenues à un modèle introduit il y a près d’un siècle : les brosses à dents à têtes amovibles. Proposant des manches en métal dont on ils espèrent que les utilisateurs conserveront pendant des années. La tête se retire lorsque les poils sont usés et une nouvelle s'emboîte, réduisant ainsi la quantité totale de déchets à moins de 30 % de celle d'une brosse normale.
Il est très difficile de trouver des options de brosses sans plastique. Les plastiques biodégradables ou d’origine biologique ne sont pas toujours meilleurs pour la planète que leurs homologues en plastique plus traditionnels, soit parce qu’ils ne se décomposent pas particulièrement bien, soit parce qu’ils ont eux-mêmes une empreinte environnementale complexe.
Mais toute option permettant de réduire la quantité totale de matériaux utilisés et d’emballage est un pas dans la bonne direction.
Il conviendrait également à amener les gens à réfléchir aux outils qu’ils utilisent pour se nettoyer les dents. Cela serait aussi un grand pas.
Sources :
- Cet article est inspiré de la série "L'histoire du plastique" de National Geographic, explorant comment les objets en plastique ont façonné notre quotidien et comment nous pourrions réduire notre dépendance au plastique.
- SMITHSONIAN INSTITUTION; ERIC HUDSON, PRESERVE.; LIBRARY OF CONGRESS
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